par Laurence Vaissiere
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2 février 2021
En reconstitution, on se demande souvent si on peut porter des chaussettes tricotées dans ses solae et caligae (oui, le reconstituteur peut être frileux) . Les étoffes en mailles sont bien attestées au niveau archéologique, mais qu'entend-on par mailles ? Il en existe plusieurs types : - les entrecroisements (tresses, sprang, étoffes cordées), - les mailles à nœuds (filet, macramé), - les mailles réseau avec un fil limité (naalbinding) , - les mailles avec un fil non limité (notre tricot aux aiguilles) - et enfin les mailles faites sur des piques (tricotin, crochet). Les chaussettes retrouvées en fouilles les plus anciennes sont datées entre le I° et IV° siècle. Il existe une quarantaine d'artefacts, couvrant le pied, la cheville ou la jambe. Le mot "socquette" vient du latin soccus. Les socquettes couvrent la cheville, les chaussettes montent jusqu'au genou et le bas monte sur la cuisse. Les chaussettes antiques proviennent d'Egypte et souvent un orteil séparé permet de porter des tongs. D'une seule couleur et souvent multicolore à rayures, elles montrent une texture serrée de boucles formant des V. Longtemps considéré comme du tricot jersey aux aiguilles, leur réalisation est en fait un réseau de boucles obtenu par l'enfilage du fil sur lui-même. La maille ne file pas, elle est fermée par l'enfilage sur la maille de la rangée inférieure. Elle est effectué avec une longueur de fil limité (qui demande de joindre les bouts de fil) avec une seule aiguille. Outil inventé dès le Néolithique, on trouve des aiguilles en bronze, os, fer, bois, mais aucune aiguille à tricoter datant de l'Antiquité. Ces chaussettes sont qualifiées de "coptes" par les musées (les Coptes sont des Egyptiens devenus Grecs), mais les Romains en portaient aussi (visibles sur un portrait du Fayoum, et diverses stèles ). J'utilise donc ce point "copte", simple et élégant, pour réaliser une paire de chaussettes ... et je m'aperçois du temps énorme demandé par cette technique ! J'ai donc opté pour le tricot aux aiguilles car il permet de raccourcir le temps de réalisation (et donc le prix de revient). Mais je conserve cette technique de point "copte" pour réaliser les bonnets, car je peux utiliser une laine plus épaisse, ce qui réduit le temps de réalisation. L'aspect visuel est identique, ce qui explique que les archéologues ont longtemps confondu les deux ! Sur la photo, la chaussette du haut est tricotée aux aiguilles, celle du bas en point "copte". La technique du réseau bouclé va perdurer chez nos voisins scandinaves, technique que l'on connait sous le nom de naalbinding. Ce sont des boucles multiples et complexes (loin de la simplicité du point "copte") qui donnent un textile touffu. Utilisée des le début du Moyen-Age Viking, cette technique est toujours vivace dans les pays nordiques.